DESCRIPTION DE LA FAMILLE
Les Muscicapidés
sont des passereaux de taille petite à moyenne (10 à 20 cm de longueur). Dans un premier temps, ils regroupaient principalement les gobemouches au sens large. Mais les recherches récentes ont
montré qu'il fallait leur adjoindre certains taxons appartenant jusqu'alors aux Sylviidés, Turdidés et Timaliidés, ce qui a bouleversé la systématique de ces groupes insectivores. Tous nos petits
Turdidés d'antan (Rougegorge, rougequeues, traquets et autres rossignols) sont devenus des Muscicapidés.
A présent, les Muscicapidés sont forts de 51 genres et 331 espèces, répartis sur l'Eurasie et l'Afrique.
Ce sont des insectivores à gros oeil et bec fin chassant leurs proies au sol ou au vol. La majorité des espèces requièrent arbres et buissons dans leur habitat. Du
fait de leur régime insectivore, on compte parmi eux beaucoup de migrateurs.
DESCRIPTION IDENTIFICATION
Le Rougequeue noir est un
petit passereau au plumage sombre et discret, se
trouvant fréquemment dans un environnement humain, mais pas exclusivement. Dans son aire très vaste, allant de l'Europe de
l'Ouest à la Chine de l'Est, l'espèce présente 5 sous-espèces qui diffèrent suffisamment
pour être facilement distinguées, au moins pour les mâles.
Le mâle nuptial de la ssp
"gibraltariensis" de l'ouest de l'Europe, celle qui occupe la France, paraît tout noir de loin. En fait, de près, on voit que les parties supérieures sont d'un gris-anthracite sur lequel se
détache nettement sur les ailes une zone blanchâtre constituée par
les bordures externes des rémiges secondaires. C'est l'avant du corps qui est noir, front, lores, parotiques, gorge et poitrine, plus ou moins
largement suivant les individus. Sur ce fond noir, l'œil très sombre ne ressort pas du tout. Souvent un peu de blanchâtre est visible en arrière du front noir. Le ventre présente un dégradé de
gris de l'avant vers l'arrière. Tout l'arrière du corps, croupion et sus-caudales, bas ventre et sous-caudales, est orange vif. La queue est d'un brun-gris sombre au niveau
des rectrices centrales tandis que
les rectrices externes sont orange, l'ensemble
étant typique de la plupart des espèces de rougequeues et bien visible à
l'envol. Bec et pattes sont noirs.
Le plumage nuptial complet n'est
acquis qu'à l'âge de deux ans. Les mâles d'un an sont plus gris, moins noirs et souvent ne présentent pas de zone claire sur l'aile. Ils peuvent ainsi être pris pour des
femelles. Malgré cela, ils sont capables de se reproduire.
La femelle est d'un gris-souris,
nuancé de brun sur les parotiques et avec
les ailes plus sombres sans zone
pâle.
Le dessous est d'un gris-beige parfois nuancé de
fauve. La queue est identique à celle du mâle. Les sous-caudales sont orange pâle.
Le juvénile ressemble à la femelle, mais il
est plus sombre dessus comme dessous. Les premiers temps, les commissures jaunes attestent du jeune âge.
Les sous-espèces se différencient à
l'importance de la couleur orange des parties inférieures du mâle. Il y a une variation clinale entre la sous-espèce occidentale "gibraltariensis"
chez laquelle seuls le bas-ventre et les sous-caudales sont orange, et la ssp la plus orientale "rufiventris" chez laquelle la totalité du ventre et le bas de la poitrine sont orange, ce qui est
déroutant pour un européen. Même variation pour la couleur du manteau et des couvertures qui passe de gris sombre à
l'ouest au noir à l'est. De son côté, la zone pâle de l'aile a tendance à s'atténuer d'ouest en
est, pour disparaître chez rufiventris. Le mâle de la ssp asiatique "phoenicuroides" est troublant, comme son nom le laisse entendre. Dépourvu de zone pâle sur l'aile et montrant une tache pâle en arrière
du front noir, il évoque le Rougequeue à front blanc mâle, ou encore un
mâle hybride ochruros x
phoenicurus.
Le chant est une phrase assez courte qui commence par un grincement retenu qui
rappelle le bruit d'un papier que l'on froisse et qui se poursuit par la répétition rapide d'une note "tu tu tu tu tu" qui rappelle le Rougequeue à front blanc.
Deux cris habituels peuvent être notés, qui traduisent tous
les deux une certaine inquiétude des adultes face à un danger. Tout d'abord un "sit" assez incisif et souvent répété, dont la fréquence de répétition traduit le degré d'inquiétude. Le second est
un "tec", lui aussi volontiers répété par séries de 3 ou 4 notes. Ces cris peuvent durer de longues minutes, jusqu'à ce que le danger disparaisse.
Le cri du juvénile est un "tsi kr" sec bisyllabique. C'est un cri de quémande de la
nourriture. Il permet aux parents de connaître la position de leurs jeunes pour un nourrissage plus efficace.
Le Rougequeue noir est très lié aux milieux rupestres, qu'ils soient naturels (falaises, éboulis rocheux, versants rocailleux, ravins, etc.
ou artificiels (constructions
humaines de toutes sortes), car sa nidification est rupestre. On peut penser qu'avant que l'Homme ne se mette à construire, l'espèce n'était pas anthropophile mais liée
aux milieux naturels à substrat rocheux apparent.
Il apprécie les espaces dégagés
quels qu'ils soient comme zones de chasse. Il les trouve sur les versants montagneux, dans les espaces agricoles, sur les rivages maritimes, en milieu urbain, entre autres. Il est absent dès que
le taux de couverture par les ligneux atteint le seuil
d'environ 25%, et ce au profit de son congénère le Rougequeue à front blanc qui prend alors le relais. Son adaptation au milieu urbain lui a permis d'étendre son aire en plaine.
Le Rougequeue noir est un oiseau
assez peu farouche. On le repère à ses cris et à son chant lorsqu'il
est posé en évidence, ne cherchant pas à se cacher. Son chant contribue
à l'ambiance sonore des villages ruraux au printemps. En milieu urbain, ce chant sonore
arrive à percer le bruit de la ville.
L'oiseau est le plus souvent vu perché sur un support dégagé
(piquet, fil, buisson, branche basse d'un arbre) d'où il surveille le sol alentour pour repérer ses proies sur lesquels il fond d'un vol direct. Au sol, il se déplace en sautillant.
En toute occasion,
il agite nerveusement la queue verticalement d'un curieux mouvement mécanique. Lorsqu'il est inquiété, il s'envole d'un vol aisé et direct vers un refuge, arbre, bâtiment ou
rocher.
Il n'est pas grégaire,
mais au moment des passages, de petits groupes, le plus souvent moins de 10 individus, peuvent être observés dans les endroits favorables. En saison de reproduction, les groupes les plus
importants sont les groupes familiaux.
Le Rougequeue noir est monogame et territorial.
Lorsque l'habitat est optimal, les territoires peuvent être contigus. Les intrus sont pourchassés par les titulaires avec force cris.
Toujours perché en évidence, que ce
soit sur un rocher ou le faîte d'un toit, le mâle lance son chant comme
un défi envers ses congénères. Il affirme là son territoire qu'il défendra tout au long de la belle saison. Il chante avant même le lever du soleil, puis tout au long du jour en début de
reproduction, avant que son rôle de père nourricier ne l'accapare. Après l'envol, ce sont les cris grésillants des jeunes quémandant leur nourriture qui attirent l'attention des adultes comme la
nôtre.
VOL
Le Rougequeue noir a un vol aisé et direct, à battements réguliers typiques de la famille des Muscicapidés. C'est en milieu montagnard qu'il exprime le mieux ses capacités quand d'un coup d'aile, il gagne le haut d'une falaise. Il sait pratiquer le vol sur place, par exemple quand il s'agit de saisir un insecte sur une paroi rocheuse ou un mur.
Le Rougequeue noir est avant tout un insectivore qui se nourrit de divers invertébrés terrestres, principalement d'insectes et/ou de leurs larves, mais également d'araignées, de millepattes, de petits mollusques, de petits lombrics, etc.
En bord de mer, il peut consommer
de petits crustacés intertidaux.
Il se nourrit aussi de petits fruits et de baies dès que l'avancée de la saison lui en offre. Les graines sont marginales dans son régime.
Il lui faut pour chasser des
espaces dégagés à sol nu ou peu végétalisé. Il repère ses proies depuis un poste d'affût dominant et les capture au sol le plus souvent. Il peut aussi les rechercher en voletant d'un caillou ou
d'une motte à l'autre. Il sait aussi capturer au vol des insectes posés
sur une paroi rocheuse ou un mur, moins fréquemment des insectes volants.
Les petits fruits sont cueillis en place et non ramassés au sol.
La nidification du Rougequeue noir est semi-cavernicole. Il recherche pour nicher toutes sortes d'anfractuosités plus ou moins ouvertes, le plus souvent protégées par un surplomb qui le confine, et ce en milieu "rupestre".
Sur un bâtiment, le nid sera souvent construit
sous le toit, en haut du mur ou sur un élément de charpente à condition qu'ils soient accessibles. En montagne, une anfractuosité dans une fissure ou un espace érodé entre deux strates
géologiques accueillera le nid.
Le nid, construit par la femelle,
est un assemblage assez lâche et peu structuré d'éléments végétaux secs (herbes, paille, feuilles, mousse). La coupe est tapissée de poils et de plumes qui
le rendent douillet. La femelle y dépose 4 à 6 œufs blancs brillants qu'elle couvera seule environ 13 jours. Les jeunes sont nourris au nid pendant une 15e de jours, puis encore 15 jours à 3
semaines après leur envol. Souvent, la famille se
scinde en deux à ce moment, mâle et femelle prenant en charge chacun de leur côté une partie de la fratrie. Une seconde nichée pourra
suivre rapidement dès que la femelle sera libérée de sa tâche de nourricière.
DISTRIBUTION
Le Rougequeue noir est
une espèce eurasiatique
dont l'aire de
répartition s'étend de l'Atlantique à l'est de la Chine, essentiellement aux latitudes moyennes. Cette aire peut
se résoudre en deux ensembles, l'un occidental couvrant l'Europe (ssp gibraltariensis) et l'Asie mineure (ssp ochruros), l'autre oriental et asiatique (ssp phoenicuroides et rufiventris) auxquels
s'ajoute une petite population moyen-orientale (ssp semirufus).
La Scandinavie et la Russie ne sont occupées que très
marginalement au sud, preuve que l'espèce n'a
pas d'affinités boréales. L'espèce n'est
pas commune au Royaume Uni.
Au sud de l'aire,
le Rougequeue noir recherche en revanche l'altitude pour échapper à un climat trop chaud. C'est ainsi qu'on le trouve dans les atlas marocains, les montagnes du nord de l'Algérie, celles d'Iran,
et plus à l'est les montagnes d'Asie centrale, puis Pamir et Himalaya.
En hiver, les oiseaux des latitudes les plus élevées descendent
vers le sud et gagnent par exemple le pourtour du bassin méditerranéen à l'ouest. À l'est, les migrateurs se
répandent sur le sous-continent indien, la péninsule arabique et le nord-est de l'Afrique. Ce sont de véritables migrateurs.
Les oiseaux montagnards du sud effectuent simplement une migration altitudinale.
Le Rougequeue noir est largement répandu et souvent commun dans son habitat. Il n'est pas considéré menacé par Birdlife International.